Campagne 8 vidéos de Alexandre Désilets

Pourquoi la maison de musique Maisonnette a-t-elle fait appel à huit cinéastes pour la (re)promotion en-ligne du plus récent album d’Alexandre Désilets ?

Au cours des récentes années, la durée de vie des produits culturels s’est considérablement rétrécie. Le marché de l’hyperchoix offert par le Web fait désormais pâlir les mardis, journée de la semaine où un nombre important de nouveautés venaient déjà solliciter l’attention des consommateurs.

Une proposition musicale ne s’apprécie pas en 140 caractères, ni en deux semaines. C’est pour cette raison que la maison de musique Maisonnette se livre à l’expérience du projet pilote 8 chansons – 8 films – 8 réalisateurs depuis septembre 2011. L’initiative a pour but de faire apprécier les pièces de l’album La Garde à postériori, dans une dynamique temporelle différente. Avec le concours de la fondation RadioStar, de la SODEC, la collaboration de Iconoclaste Web Promotion, d’Ariane Charbonneau aux communications et de huit réalisateurs cinéma, le canal YouTube de l’artiste s’est enrichi de huit court-métrages en bonne et due forme.

"Si loin" court-métrage de Yan Giroux

S’il est encore tôt pour tirer des conclusions définitives de l’expérience, nous pouvons d’ores et déjà affirmer que l’exercice nous a véritablement permis de passer de la théorie à la pratique.

Denis Wolff, bien connu pour son apport artistique dans les carrières de Jean Leloup , Pierre Lapointe ou Lhasa de Sela, a piloté ce projet pour Maisonnette, sa jeune structure de production indépendante. Il a insufflé dès le départ au projet diverses lignes directrices pour rapidement laisser les partenaires impliqués assumer leurs rôles respectifs, faire valoir leurs compétences. Il s’agissait pour lui de s’assurer que le cadre de travail, que la commande, soit bien assimilée par les réalisateurs afin que ce qu’il appelle les « non-contraintes », soient comprises. Il s’agissait ici de produire une oeuvre robuste, aux qualités artistiques et à la pertinence durables. « Nous ne voulions pas nécessairement des vidéo-clips avec le visage de Alex, mais bien des courts-métrages aux qualités propres ». Certes l’opération constituait un effort de mise en marché pour un enregistrement sonore, mais les attentes étaient d’abord fondées sur la rigueur artistique. La maison s’est impliquée en cours de processus, mais de façon peu directive, offrant surtout un regard extérieur sur le montage, commentaires sur le rythme général en étape de work-in-progress. C’est en fait une seconde incursion pour Maisonnette sur ce terrain de la vidéo en segments qui avait déjà été explorée pour l’artiste slam Mohammed http://www.youtube.com/user/Maisonnettemusique.

Le projet a eu à coordonner l’apport de nombreux participants, à débuter par les huit réalisateurs (Ian Lagarde, Thien Vu Dang, Mario Galardo, Patrik Péris, Brigitte Henry, Nicolas Roy, Mathieu Jacques et Yan Giroux), la maison de production Voyou Films, Ariane Charbonneau aux communications et à la mise en-ligne, Iconoclaste Web Promo à la planification stratégique, Objectif Lune aux relations de presse ou encore la gérance Lili Roussart ou le tourneur Rubis Varia qui dans ces deux cas se seront concentrés sur les opérations régulières tout en agissant comme multiplicateurs sur l’opération. Le logiciel Basecamp a été mis à contribution par Iconoclaste pour coordonner certaines actions.

Les courts ont été réalisés avec des budgets avoisinant $3000 chacun et les libertés offertes par le projet ont de toute évidence compensé le peu de ressources, puisque l’intérêt des réalisateurs fut immédiat. Leurs feuilles de routes incluaient tant du travail dans les secteurs de la vidéo, de la publicité, que de l’animation 3D pour l’industrie du jeu. Selon Denis Wolff, le défi que représentait leur association à un projet collectif, l’aspect relativement inédit de la contribution à une opération de longue haleine en lien avec le Web, a joué favorablement sur la motivation des réalisateurs.

Sur le plan des résultats marketing, bien que les visionnements des films soient relativement modestes – entre 200 et 2000 pour un total à ce jour d’environ 8000 – les vues progressent continuellement. Fait majeur à souligner, les ventes de pièces à l’unité d’extraits de l’album « La Garde » ont reprises, alors qu’elles s’étaient stoppées. Or la campagne prévoit remettre à disposition une nouvelle version de l’album en version numérique deluxe incluant les films ainsi que les deux autres clips officiels lancés en amont de l’actuelle opération. Ainsi, il y a véritablement changement de paradigme dans un tel comportement, lorsque l’on sait que l’industrie du disque avait substantiellement rétréci la fenêtre d’attention allouée aux projets au cours des récentes années, pour miser sur un roulement rapide de l’offre.

Pour Shanti Loiselle d’Iconoclaste, l’élément déterminant de la stratégie a été de créer une page reposoir. Le but poursuivi était que les Internautes visitent et partagent cette page plutôt que chacun des courts-métrages individuels sur YouTube. Nous avions ainsi, plus de pouvoir sur les contenus mis de l’avant et les incitatifs développés pour stimuler le partage de la page. Nous y avons programmé les films sous forme de liste de diffusion ininterrompue de façon à inciter les nouveaux visiteurs à visionner les propositions des semaines antérieures. Conséquemment, le bouton Facebook a très bien fonctionné (1160 partages). L’animation du compte @alexdesilets sur Twitter fut assez efficace et a permis d’élargir le discussion à d’autres musiciens, réalisateurs, à des médias, des fans et au monde la danse. Sans que nous ayons à insister, les gens ont eu le réflexe de partager cette page, de la référer et de s’y rendre, plutôt que de passer par YouTube.

De nombreuses couvertures sur les blogues ont été très bénéfiques pour les films 1-2-3 et 4. Par contre, il y a manifestement eu un essoufflement pour les films 5 et 6. Alors que les résultats progressaient de semaine en semaine pour les premiers courts, les visionnements ont subis une chute au delà du second mois de l’exercice. L’attrait généré par la nouveauté est par essence contradictoire avec une démarche soutenue dans le temps. Il apparaît important de négocier le point de bascule entre primeur et récurrence. Ainsi, la question se pose s’il aurait été judicieux de présenter 4 films à l’automne et 4 après les congés des fêtes. Même les partenaires du projet ont manifesté une certaine fatigue, une saturation au delà du quatrième film. Par ailleurs, l’implication de certains réalisateurs plus actifs sur le web et à l’aise avec les réseaux sociaux a grandement contribué à la propagation de l’événement. Le défi était peut-être alors d’introduire de nouveaux paramètres de communication pour chacune des mises en-ligne. Ce fut fait, mais probablement que le calcul stratégique aurait eu à être plus serré : croissance du nombre d’envois de courriels, segmentation des types d’auditoires et des marchés géographiques, esthétique et rythme des films proposés, etc.

Enfin, ce dernier constat démontre aussi l’importance de la synergie entre les capsules audiovisuelles proposées et l’artiste qui en était porteur. Ce ne sont pas les films en soi qui ont généré le réflexe de partage, mais bien que ceux-ci s’adressaient de façon bien ciblée aux adeptes déjà acquis de l’artiste. La seule indication que les efforts engagés aient pu générer de nouvelles adhésions est la reprise des ventes sur iTunes. En l’absence d’une trame narrative ou de dialogues indépendants de la piste sonore proposée par Alexandre Désilets, les films rencontraient un obstacle certain pour gagner des adeptes que la musique de l’artiste ne séduisaient pas à priori. Or, que l’on s’intéresse à la trame sonore progressivement, conséquence du fait que le film nous ait d’abord plu pour ses propres caractéristiques, pourrait constituer un beau revirement de fortune. L’avenir nous le dira certainement…

Dans une logique de développement du lien de confiance avec ses partenaires, de l’attention en-ligne et de la proximité A2F entre l’artiste et son public, Maisonnette réaffirme avec ce projet et comme elle l’avait déjà fait avec la productions de huit capsules live pour le slammeur Mohammed, les rôles d’accompagnateur et de facilitateur qu’ont toujours joués les producteurs indépendants, tout en faisant une mise à jour 2.0 pour épouser les formes du nouveau monde. L’opération 8 chansons, 8 films, 8 réalisateurs constitue un test terrain sans précédent au Québec et sa fin nous laisse sur trois points de suspension… L’industrie du disque se reconstruit : A working class hero is something to be… de conclure Denis Wolff.


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